Centrafrique. Accusations de viols en Centrafrique : retour sur neuf mois d'enquête

Soren Seelow et Cyril Bensimon | Le Monde Vendredi le 01 Mai 2015 Société Imprimer Envoyer cet article à Nous suivre sur facebook Nous suivre sur twitter Revoir un Programme TV Grille des Programmes TV Où Vendre Où Danser Où Dormir au Cameroun
Au moins 14 soldats français déployés en République centrafricaine sont soupçonnés d'avoir abusé sexuellement d'enfants entre décembre 2013 et mai-juin 2014.

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Parmi ces militaires, « très peu » ont été identifiés, selon une source judiciaire, sans en dévoiler le chiffre précis.

Une enquête a été ouverte en France en juillet 2014. François Hollande a promis d'être « implacable ». L'armée assure qu'elle ne veut pas « cacher quoi que ce soit ».

Des militaires déployés en République centrafricaine (RCA) dans le cadre de l'opération « Sangaris » sont soupçonnés d'avoir abusé sexuellement d'enfants lors de leur mission à Bangui. Des informations révélées, mercredi 29 avril, par le quotidien britannique The Guardian, qui a eu accès à un rapport interne de l'Organisation des Nations unies (ONU).

 

 Quels sont les faits reprochés ?

Les faits incriminés se seraient déroulés entre décembre 2013 et mai-juin 2014, lors des premiers mois de l'opération « Sangaris ». D'après les informations du Monde, quatre garçons, âgés de 9 à 13 ans, ont déclaré à une employée de l'ONU avoir été victimes de viols commis par des soldats français. Deux autres enfants ont affirmé avoir été témoins de ces abus sexuels.

 

Selon The Guardian, les soldats sont soupçonnés d'avoir abusé de ces jeunes garçons « affamés et sans abri » en échange « de nourriture ou d'argent ».

 

Selon les informations du Monde, le « document de travail » de l'ONU qui a fuité évoque des « fellations ». Les enfants situent ces abus sexuels dans un « abri » aux abords de la barrière d'accès à l'aéroport de Bangui, gardé par des soldats français. Un petit abri fait de sacs de sable existe bien près de cette barrière, qui jouxte le centre pour déplacés où vivent les enfants.

 

Combien de soldats français sont impliqués ?

Les accusations ne donnent aucun nom. Selon les recoupements des enquêteurs, quatorze soldats français sont soupçonnés d'être impliqués. Parmi ces militaires, « très peu » ont été identifiés, indique une source judiciaire, sans en dévoiler le chiffre précis.

 

Selon une source proche du dossier, les accusations visent aussi cinq militaires étrangers. Il s'agit de trois soldats tchadiens et de deux équato-guinéens, a précisé la codirectrice de l'ONG américaine Aids-Free World, Paula Donovan, qui a consulté le rapport de l'ONU et l'a communiqué au Guardian. Un des deux enfants témoins dit avoir assisté à une sodomie pratiquée par un de ces soldats étrangers. Ces faits ne sont pas visés par l'enquête française.

 

 

Comment s'est déroulée l'enquête ?

Selon une source judiciaire, le ministère a reçu cette information le 29 juillet 2014 sous la forme d'un document de travail de l'ONU, qu'il a aussitôt transmis à la justice française. Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire le 31 juillet pour « viols sur mineurs de 15 ans » sur la base de l'article 40 du Code de procédure pénale, après « dénonciation » du ministère de la défense.

 

La section de recherches (SR) de Paris et la SR de la gendarmerie prévôtale – une formation dont la mission principale est d'enquêter auprès des forces armées françaises stationnées hors du territoire français – ont été saisies.

 

Les gendarmes de la prévôté ont été envoyés dès août 2014 dans le camp de déplacés pour effectuer des vérifications, mais n'ont pu interroger les enfants, faute de cadre légal. S'il ne remet nullement en cause les déclarations « très précises » des enfants sur les actes sexuels évoqués, le compte rendu des gendarmes soulève quelques questions à éclaircir sur le déroulement précis des faits, au regard notamment de la topographie des lieux présumés des faits, explique une source proche du dossier.

 

En septembre, le parquet de Paris a envoyé une demande d'entraide à l'ONU pour obtenir la levée de l'immunité de l'employée onusienne qui avait recueilli le témoignage des enfants, une condition nécessaire pour l'auditionner même en qualité de simple témoin. Une demande refusée par l'ONU, qui a en revanche accepté de lui transmettre un questionnaire écrit. Les réponses à ce questionnaire ne sont parvenues au parquet de Paris que sept mois plus tard, le 29 avril, soit la veille de la révélation du scandale, ce qui a considérablement ralenti l'enquête, explique encore une source proche du dossier.

 

 

Anders Kompass, directeur des opérations de terrain au Haut-Commissariat de l'ONU pour les droits humains, en 2006.

 

 

Anders Kompass, directeur des opérations de terrain au Haut-Commissariat de l'ONU pour les droits humains, en 2006. Crédits : AFP/ORLANDO SIERRA

 

L'ONU a pourtant confirmé avoir enquêté dès le printemps 2014 sur des « accusations graves d'exploitation sexuelle et d'abus commis sur des enfants par des militaires français » en République centrafricaine. Le porte-parole adjoint de l'ONU, Farhan Haq, a également confirmé qu'Anders Kompass, un haut fonctionnaire de l'ONU, qui a transmis en 2014 les résultats de cette enquête aux autorités françaises au mépris des procédures avait été suspendu. « Notre conclusion préliminaire est qu'une telle conduite ne peut pas être considérée comme celle d'un lanceur d'alerte », a souligné le porte-parole.

 

M. Kompass a transmis le rapport aux autorités françaises après avoir constaté que l'ONU tardait à agir, affirme le Guardian. Une version contredite par une source onusienne, qui affirme, sous couvert de l'anonymat à l'Agence France-Presse, que le responsable avait fait fuiter le rapport une semaine seulement après qu'il eut été fourni par les enquêteurs, et que son action ne pouvait donc pas s'expliquer par une frustration devant un manque de réactivité de l'ONU.

 

Le parquet de Paris a par ailleurs demandé mercredi 29 avril la déclassification d'une enquête de commandement diligentée en interne. Autant d'éléments qui pourraient conduire prochainement à l'ouverture d'une information judiciaire.

 

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